Ceci est mon Corps !
- Flavien Bernard

- 5 oct.
- 3 min de lecture
Pour un peuple qui a oublié jusqu'à la Présence

Il arrive que l'on dise "Amen" sans savoir à Qui. Il arrive que le Pain vivant soit là, au milieu de son peuple, et que nul ne se prosterne. Il arrive que le Très-Saint soit réduit à une logistique, à une boîte, à une vérification parmi d'autres avant la messe. Il arrive qu'on ne sache plus où mettre les hosties, et que le Ciel n'ait plus où se poser.
Je ne parle pas ici d’un sacrilège conscient. Je ne parle pas d'une faute morale. Je parle d'un effondrement intérieur. D'une fracture mystique. D'une Église qui donne le Corps du Christ à un peuple qui ne sait plus ce qu’il reçoit.
Ce matin-là, j'étais dans la sacristie. Le prêtre était là aussi. Un laïc, fraternel, bienveillant, ouvre un placard, saisit une boîte, et dit : "Il restait des hosties du père Machin. On ne savait pas où les mettre." Pas de mépris. Pas de légèreté. Une simple phrase. Et pourtant tout était là : le feu devenu objet, la présence devenant reste. Je n’ai rien dit. Mais tout en moi hurlait : "Et le tabernacle c’est de la déco ?". Le prêtre a baissé les yeux, rejoint le tabernacle, réparé la faute et rongé son frein. Il savait.
Et j’ai compris que nous en étions là : Nous avons vidé l'autel. Il ne reste que la nappe.
Le Peuple de Dieu est venu au festin, mais ne sait plus ce qui est sur la table.
On a transmis les gestes, mais pas la flamme. On a enseigné le rite, mais pas le frisson. On a parlé du repas, mais on a oublié l’Agneau.
Et là, dans chaque messe, c’est le Christ qui se livre, non pas symboliquement, non pas mémorialement, mais réellement.
"Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui." (Jn 6,56)
C’est le même Corps qu'à la Cène. Le même Sang qu’au Golgotha. La même offrande, rendue présente dans le mystère.
"Nous avons un autel..." (He 13,10)
Pas une table de rassemblement. Un autel. Un vrai ! Un où le Christ est à nouveau offert, mystiquement et réellement. Et toi, si tu approches sans le savoir, tu ne communies pas, tu consommes. Tu passes à côté du feu. Tu laisses l’Époux à la porte. Tu viens chercher la paix, et tu repars sans l'avoir rencontré.
Nous avons appris à recevoir l’hostie. Mais avons-nous jamais su recevoir Dieu ?
Voilà pourquoi il faut redire, enseigner, transmettre. Non pour alourdir la messe. Mais pour la rendre à sa vérité : La messe est le renouvellement réel, mystique et non sanglant du sacrifice du Christ ! Le prêtre devient le Christ qui offre et s’offre. L’autel devient la Croix. Le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang du Fils.
Et nous, si nous communions en vérité, nous devenons contemporains du Calvaire. Nous recevons le Vivant dans notre chair. Et nous devenons tabernacle.
"Ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi." (Ga 2,20)
Mais encore faut-il le savoir. Encore faut-il le croire. Encore faut-il en trembler. Car là, dans la blancheur de l’hostie, c’est Dieu. Ce n’est pas un souvenir. Ce n’est pas une réserve. Ce n’est pas un signe. C’est Lui.
Alors, Église, relève-toi. Souviens-toi. Tombe à genoux. Que ton culte ne soit plus un automatisme. Que ta messe ne soit plus un devoir. Que ton autel redevienne un Golgotha. Que ton “Amen” redevienne un cri !
Et souviens-toi que tu ne communies jamais seul. Là, autour de l’autel, ce sont les saints, les anges, les martyrs, les fidèles défunts, toute l’Église, visible et invisible, qui communie avec toi. Car ce Corps est Un. Et ce Peuple est Un. Et ce Sacrifice est unique !
Si l’Église se tient encore debout, c’est parce qu’elle se tient devant ce feu là. L’Église ne s’effondre pas par la persécution. Elle s’effondre quand son peuple ne sait plus ce qu’il reçoit. Et si le monde tient encore debout, c’est parce qu’à travers elle, le Christ continue de se donner.
Alors avance.
Reçois.
Deviens.
Ceci est mon Corps.
Tu ne comprendras jamais.
Mais cette fois, tu l’as reçu.
Flavien



Très vrai, très triste. Nostalgie. Mais espérance et vie. Merci.