Et pourtant, Il a fondé l’Église !
- Flavien Bernard
- 12 mai
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 mai

Elle revient souvent, cette antienne. Un vieux refrain moderne, entonné à chaque conclave, à chaque scandale, à chaque lassitude :
« Jésus n’a jamais voulu l’Église. »
Et dans le silence de certains, ce refrain devient murmure, puis soupçon, puis certitude.
Jésus, dit-on, prêchait dans la poussière, parlait d’amour, se tenait loin du pouvoir. Il n’avait ni mitre, ni tiare, ni clef d’or. Il se faisait humble, proche des prostituées et des pêcheurs, des malades, des fous et des oubliés. Il n’a rien réclamé, sauf de l’amour inconditionnelle.
Tout cela est vrai. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas voulu d’église.
Il y a quelque chose de tentant, aujourd’hui, à jeter l’institution avec l’eau trouble de l’histoire. C’est plus simple. Plus pur, croit-on. Comme si l’on pouvait aimer le Christ sans son corps. Comme si le Christ pouvait être une idée sans communauté, un vent sans souffle, une parole sans transmission.
Dieu merci, l’Évangile résiste à ces hérésies.
Jésus n’a pas improvisé sa route. Il a appelé, patiemment. Il a choisi douze apôtres, comme les douze tribus. Il les a formés, reprenant mille fois les mêmes images. Il leur a lavé les pieds et Il leur a donné autorité, son autorité. Il leur a confié des clefs, oui. Il leur a promis l’Esprit, non pour un instant fugitif, mais pour les conduire « jusqu’à la vérité tout entière ». Et quand Il parle à Simon, Il ne le nomme plus ainsi. Il l'appelle Pierre. Rocher. Et sur ce roc, Il bâtit. Pas une idée. Pas une intuition. Mais une Église ! Non pas une cage. Mais une arche.
Il faut dire les choses simplement : oui, Jésus a voulu l’Église. Il l’a voulue libre, pauvre, fraternelle. Il l’a voulue ardente, habitée, missionnaire. Pas forcément semblable à ce que nous en avons fait. Il savait, dès le départ, qu’elle aurait ses Judas, ses Simon endormis, ses disputes de rang. Mais il n’a pas reculé. Il l’a plantée comme une graine dans un sol sec. Il l’a arrosée de son sang.
L’Esprit Saint n’a pas fondé des retraites de développement personnel. Il a fait naître des communautés. Il a donné des dons différents à chacun, et il a soufflé pour les réunir. Il n’a pas dit à chacun : « Trouve ta vérité ». Il a dit : « Que tous soient un ».
Et les sacrements ? Sont-ils des constructions tardives, comme on le prétend parfois ?
Je n’ai pas besoin de longs traités pour dire non. Il suffit de voir Jésus poser les mains, pardonner les péchés, bénir l’eau, rompre le pain, bénir les noces, pleurer sur les malades. Il suffit de l’entendre dire :
« Faites cela en mémoire de moi. »
« Ce que vous lirez sur la terre sera lié dans les cieux. »
« Allez, baptisez les nations. »
« Recevez l’Esprit. À qui vous remettrez les péchés, ils seront remis. »
C’est simple, c’est direct, c’est nu. Le sacrement n’est pas une invention. Il est un prolongement du geste du Christ. Il est un lieu d’incarnation de la grâce. Il est un baiser du ciel sur la terre.
Alors oui, l’Église a des rides. Oui, elle a parfois trahi l’Évangile. Oui, elle a pu, au fil des siècles, s’endurcir, se figer, pactiser avec les puissants, oublier les pauvres, bâillonner les prophètes. Mais ce n’est pas à elle seule qu’il faut demander des comptes. C’est à nous tous. Car l’Église, ce n’est pas un “eux” lointain. C’est un “nous” vivant !
Le Pape n’est pas un empereur. Il est serviteur des serviteurs. Il ne remplace pas le Christ. Il le montre !
Et si nous avons vu parfois des palais là où il fallait des cabanes, des gardes là où il fallait des bras ouverts, des discours là où il fallait des silences ; cela ne veut pas dire que le fondement est faux. Cela veut dire que nous avons encore du chemin vers la sainteté !
Jésus n’est pas venu fonder une multinationale. Il est venu allumer un feu. Et ce feu, il l’a confié à des hommes. Pas pour qu’ils le gardent, mais pour qu’ils le partagent. Ce feu, c’est l’Église. Non pas une structure, mais une flamme qui se transmet de cœur en cœur. Elle vacille parfois. Mais elle brûle encore.
Elle est dans les sacrements célébrés en prison, dans les messes de campagne, dans les mains ridées d’un vieux prêtre qui bénit un enfant. Elle est dans les catacombes comme dans les cathédrales, dans les chants parfois peu mélodieux du dimanche, comme dans le silence d’une adoration eucharistique.
Elle est, parce que le Christ l’a voulue. Et nous, avec nos doutes, nos blessures, notre faim de lumière… nous en faisons partie.
Alors non, l’Église n’est pas une trahison. Elle est le fruit de l’amour du Christ pour ses frères. Elle est son corps. Et malgré tout ce qu’on peut lui reprocher (et parfois, il faut le faire) elle reste le lieu où se dit, se vit et se transmet la grâce.
Ne jetons pas le trésor parce que le vase est fêlé. Car dans les failles, parfois, la lumière passe mieux.
Flavien
Comments